Quand la truffe nous est contée… Rencontre avec David Sarrazin, trufficulteur en Berry
David Sarrazin est un véritable passionné. Passionné de sciences, d’Histoire et surtout de mycologie, David a cherché très jeune à percer les secrets d’un champignon hors du commun : la truffe. Tout à l’opposé du pétrole, cet or noir – ou blanc ! – plus paisible, pastoral et respectueux de l’environnement n’en demeure pas moins convoité que son très décrié « cousin d’expression ». La truffe, à sa seule évocation, ébranle les papilles des gourmets, suscite l’émoi des gourmands, attise la curiosité et ouvre une fenêtre sur un univers mystérieux, parfois ésotérique. Mais la truffe n’est pas seulement l’affaire de privilégiés ou de riches initiés. Avant tout, c’est une culture, un miracle apprivoisé par des trufficulteurs comme David Sarrazin. En fondant Les Truffières du Berry®, David et son associé Olivier Thebault ont souhaité offrir à tous la possibilité de prendre part à cette odyssée de la truffe. Entre respect de l’environnement, régénération d’un terroir séculaire, production d’un produit noble et aventure collective, voici le récit d’un voyage en terre mychorizée !
David, vous avez fondé avec Olivier Thebault Les Truffières du Berry®. La truffe et le Berry c’est une histoire qui date maintenant. Pouvez-vous nous en parler ?
Effectivement, c’est assez peu connu mais la première trace de la truffe dans l’Histoire de France remonte à Charles V (1338-1380) durant la Guerre de Cent Ans. Pour remercier l’un de ses frères, le roi de France crée le duché du Berry et le confie à son frère Jean qui deviendra Jean de Berry. Et ce Jean de Berry, en plus d’être un redoutable chef de guerre, écrit beaucoup. Il note notamment toutes les dépenses qu’il réalise et figurent régulièrement sur ses livres de comptes des paniers de truffes issus de son duché du Berry. Donc, oui, on trouve de la truffe dans le Berry depuis au moins sept siècles !
Quelle est la genèse des Truffières du Berry® et de votre communauté de trufficulteurs ?
Il y a plusieurs aspects qui rentrent en compte. D’abord, il y a l’amour de la mycologie. Le monde des champignons m’a toujours passionné. Par exemple j’aurais aimé comprendre pourquoi un cèpe pousse à tel endroit et pas 10cm plus loin. Cette passion remonte à mon enfance et ces temps de partage et de cueillette avec mon père. Chemin faisant, après des études très scientifiques, un parcours professionnel orienté sur l’analyse et une compilation de connaissances sur la truffe, j’ai pointé une anomalie de l’histoire et je l’ai couplée avec une opportunité écologique et économique.
Je m’explique. Schématiquement, vous avez neuf zones qui produisent de la truffe en France. Aujourd’hui, la seule qui bénéficie d’un prix du foncier relativement bas c’est le Berry. Pourquoi ? Parce que toutes les autres régions sont des régions viticoles. Après phylloxera (insecte qui a ravagé les vignes françaises à la fin du XIXème siècle), tous les grands cépages français ont replanté de la vigne, sauf le Berry ! Personne ne sait pourquoi ces terres particulièrement adaptées à la vigne (exception faite de Sancerre) n’ont jamais replanté. Ici, on cultive de la céréale. Voilà le paradoxe du Berry, nous sommes sur une terre parfaitement adaptée à la vigne et à la truffe et on y fait de la céréale.
L’autre enjeu c’est celui du foncier. Les autres terres trufficultrices de France sont systématiquement en concurrence avec des grands crus. Un exemple criant : la première zone de production de truffes noires ce n’est pas le Périgord mais le Tricastin – l’Enclave des Papes – la région de Valréas. Et ces zones sont en concurrence directe avec des Côtes-du-Rhône classés comme le Châteauneuf-du-Pape. Donc le prix du foncier est tel que replanter de la forêt truffière est inenvisageable localement.
Si on vous suit bien, le Berry offre un terroir idéal à la culture de la truffe…
Globalement, les terroirs à truffes sont des terroirs à vignes sauf dans le Berry. Il y avait donc un alignement de facteurs positifs pour réimplanter la truffe noire sur le territoire berrichon et ainsi répondre à la demande croissante en France et à l’international.
Ça fait quinze ans que j’observe, à travers la fenêtre de ma cuisine, quelque chose d’assez particulier. J’ai un petit bout de forêt constitué de chênes blancs, de charmes et de noisetiers et derrière, d’immenses plateaux céréaliers. Grâce à l’application de l’IGN « Remonter le temps« , j’ai découvert que cette parcelle céréalière était, il y a cinquante ans, une forêt de chênes et de charmes où la truffe poussait à l’état sauvage.
J’ai alors contacté mon voisin, Olivier Thebault, qui est devenu mon associé et je lui ai dit : « On a la chance d’être sur un territoire séculaire producteur de truffes, sur des terres adaptées, avec des données de chimie des sols idéales (sols alcalins et argilo-calcaires) et un foncier au coût extrêmement bas. ». L’aventure était lancée.
Quel est le principe des Truffières du Berry ?
Alors, on va planter de jeunes plants truffiers qui ont entre 1 et 2 ans. Dans l’imaginaire collectif, le chêne c’est l’arbre à truffes. Or, il y a au moins six essences d’arbres truffiers : le chêne blanc, le chêne vert, le charme, le noisetier, le pin noir et le tilleul. Quand nous parlons de plants truffiers, nous proposons essentiellement des chênes à l’acquisition. Mais, pour recréer un biotope, nous faisons un mix de différentes essences. Nous adjoignons aux chênes des arbres que nous ne vendons pas : des charmes truffiers et des tilleuls truffiers. Ça nous permet de contribuer à la biodiversité du milieu qu’on recrée mais aussi d’accueillir un apiculteur bio sur nos terres dans un environnement « zéro phyto ». En gros, on essaye simplement de reproduire ce que la nature avait très bien fait il y a cinquante ans.
Concrètement, comment ça fonctionne quand on achète un arbre chez vous ? À quoi on s’engage ? À quoi on a le droit ?
Tout d’abord, quand on achète un arbre, on achète une aventure de plusieurs décennies avec nous. L’aventure démarre en pépinière avec la réservation de jeunes plants qui vont bénéficier d’un apport de spores pour assurer la mychorization (résultat d’une symbiose entre un champignon et une plante qui tirent un bénéfice mutuel de leur association). Vient ensuite la phase de plantation. Puis l’acquéreur va bénéficier d’un rapport trimestriel sur son arbre (photo et état des lieux). – Ça nous permet d’ailleurs de faire un peu de pédagogie sur les écosystèmes. – Cette phase de suivi se fait au fil du temps avant le premier passage de « cavage ». Cet acte de récolter les truffes avec un chien se fait au cours du troisième hiver après plantation.
Toutes ces étapes, nos copropriétaires peuvent les suivre soit directement en nous rendant visite quand ils le souhaitent ou même à distance via les webcams de la parcelle. Et puis, dès l’entrée en production de leur arbre, ils bénéficieront d’une quote-part de la production. Quote-part basée sur le principe d’une coopérative. La récolte étant mutualisée, la quote-part est donc calculée sur la base de la production moyenne par arbre et le copropriétaire reçoit 75% de cette production. Les 25% qui restent reviennent aux exploitants que nous sommes.
Enfin, nous proposons au copropriétaire une garantie de traçabilité. L’ensemble des arbres bénéficient d’un QR code afin d’être parfaitement transparent sur nos rendements mais également dans le but de valoriser nos arbres. Pour ceux qui nous rejoindraient pour des raisons d’investissement, c’est aussi la garantie de pouvoir sortir sur des prix unitaires de l’arbre nettement au-dessus de 400 à 500 euros.
Et combien de temps faut-il avant que son arbre donne ses premières truffes ?
Il y a un proverbe du sud-ouest qui me vient comme ça : « la truffe, il faut un certain temps avant d’en avoir sous la dent ». À l’état sauvage, il faut compter 15 à 20 ans avant qu’un arbre donne ses premières truffes. Globalement, on plantait une truffière pour la génération d’après. Aujourd’hui, grâce à l’apport des connaissances et de l’expérience, ce temps est bien mieux maîtrisé. Les premières truffes lèvent entre 3 et 5 ans. Schématiquement, à 3 ans, votre arbre donnera ses premières truffes ; à 5 ans, il consolidera sa production ; à 7 ans, il atteint son « plateau de production » dont la seule variable sera la donnée météorologique. Parmi nos arbres mychorizés, nous atteignons une moyenne de production de 8,5/10.
Quelles sont les garanties pour les acheteurs et les investisseurs ?
La première des garanties c’est que nous (Les Truffières du Berry®) réunissons l’ensemble des facteurs favorables à la production de truffes. Le premier facteur déterminant c’est celui de l’antériorité des parcelles. Or nous sommes sur une commune qui produit de la truffe à l’état sauvage. Le second facteur c’est celui du sol. Nos sols sont adaptés sur le plan physique et chimique. Le troisième facteur c’est celui de la qualité des plants utilisés. En l’occurrence, nous travaillons avec les trois « meilleurs » producteurs de France. La garantie supplémentaire que nous proposons c’est que nous nous engageons à replanter un arbre qui viendrait à mourir au cours de ses quinze premières années et ce à notre charge.
Faut-il des autorisations ou des certifications spéciales pour se lancer dans la trufficulture ?
La trufficulture ne rentre presque dans aucune case de la législation. La raison est simple. Pour faire de la truffe, il faut d’abord faire de l’arboriculture. Il faut d’abord soigner l’hôte de la truffe avant d’espérer en avoir. Nous sommes donc à cheval entre de l’arboriculture et une culture maraîchère avec un modèle agricole nativement bio. D’ailleurs, on comprend vite que le moindre produit que l’on met dans une truffière (fongicide, insecticide…) met en péril la production. Le « zéro phyto » n’est pas une garantie mais une nécessité.
On est sur de la biodynamie en fait…
J’aime bien emprunter le terme de « biotechnologie ». C’est-à-dire qu’on a un mélange de connaissances biologiques associées à des évolutions technologiques qui nous permettent de reproduire un biotope au plus près possible de ce qu’il était antérieurement. Pour cela, nous utilisons des stations météorologiques, des sondes de sous-sol pour mesurer les taux d’humidité, des QR code pour la traçabilité… Tout cela également dans un souci de transparence.
Quelle est la différence entre la truffe noire et la truffe blanche ?
Il y a certains abus de langage quand on parle de truffe blanche. La glèbe, c’est-à-dire la chair de la truffe, peut-être parfaitement blanche. C’est le cas pour les truffes d’été : la tuber aestivum (truffe blanche d’été). Cette truffe a des valeurs aromatiques et gustatives beaucoup moins puissantes que la tuber melanosporum (truffe noire). Cette dernière tient le haut du panier en rapport coût/aromatique/gastronomique. Après, il y a la « vraie » truffe blanche : la tuber magnatum, la truffe blanche d’Italie qui ne pousse qu’à l’état sauvage aujourd’hui dans le Piémont, autour de la région de l’Alba au Sud de Turin. Donc quand on parle de truffe blanche, il faut bien différencier la soi-disant truffe blanche qu’on retrouve facilement en France à quelques dizaines d’euros et la tuber magnatum dont le cours est à plusieurs milliers d’euros le kilo.
Jusque dans les années 1980, 100% de la truffe se trouvait à l’état sauvage. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Existe-t-il une différence gustative entre cette truffe sauvage et une truffe « produite » ?
On parle d’un champignon et de son ADN. Donc, si vous présentez à un grand chef ou à un spécialiste une truffe noire du Berry, une truffe noire du Périgord et une truffe noire d’Espagne, il sera incapable de faire la différence. Il n’y a pas d’influence de la zone de production sur le goût de la truffe elle-même. Si demain vous voulez manger de la tuber melanosporum elle aura le même goût et le même prix quel que soit l’endroit où elle aura été produite.
Comment savoir si une truffe est « mûre » ?
La catégorisation de la truffe est un vrai métier. Il faut d’abord assurer le brossage et le nettoyage de la truffe puis le canifage : le fait de prélever une petite lamelle pour observer la glèbe (la chair) de la truffe. Sur le plan olfactif, ce léger canifage va permettre de capter les composés organiques de la truffe et donc d’évaluer son niveau de maturité. Pour l’anecdote, le défaut du cochon c’est qu’il a un tel flair qu’il déterre même des truffes qui ne sont pas mûres. C’est pour ça qu’on privilégie le chien pour la récolte de truffes.
Il existe des chiens plus truffiers que d’autres ?
Globalement tous les chiens peuvent lever de la truffe. Bien sûr, il y a le Lagotto Romagnolo qui est assez reconnu pour ses qualités. Mais pour avoir travaillé près de 30 ans dans la sphère des secours, je peux vous dire que pour un Malinois qui trouve un homme enseveli dix mètres sous les décombres d’un immeuble effondré et ce malgré les odeurs d’aliments, de parfums, de gaz… trouver une truffe à 5 cm sous terre c’est un jeu d’enfant !
Chez De La Cour Au Jardin, nous entretenons une forte appétence pour l' »art de vivre ». Décris-nous ton plat préféré à base de truffes ?
Alors moi je suis assez traditionnel : plutôt un bon beurre truffé tout simplement. Truffé à 5%. Qui révèle complètement la saveur de la truffe sans pour autant « tuer » les autres arômes. On l’étale sur un bon bout de pain de campagne ou on le fait fondre sur des tagliatelles fraîches. Tagliatelles qu’on sait d’ailleurs très bien faire ici avec les œufs de nos poules !
Si tu devais nous dédier un plat truffé, lequel serait-ce ?
Une pièce de bœuf en sauce avec de fines lamelles de truffes noires. Mais attention, il ne faut absolument pas que la sauce ait été portée à ébullition ! C’est important que la truffe soit travaillée à une température inférieure à 100°c. Ou sinon, une brouillade d’œufs bio à la truffe noire avec un bon Bordeaux en appui. Quelque chose de très simple. D’ailleurs, petite astuce : mettez vos œufs dans un Tupperware avec une truffe. Les composés organiques volatiles vont imprégner les œufs en quelques jours.
Les Truffières du Berry®
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Site internet : lestruffièresduberry.fr