Notaire, un retour majeur au sein de la famille

Selon la lettre, le notaire est un officier public, nommé par le Ministre de la Justice, chargé d’une mission de service public. Mais derrière ces mots arides et un poil abscons, le notaire revêt une importance capitale dans bien des étapes de nos vies. Lors d’une transaction immobilière bien sûr, mais bien au-delà. Dans l’amour, dans la vie, dans la mort, le notaire a un rôle clé. Rencontre avec Maître Béatrice Codron, notaire à Saint-Chéron en Essonne. 

Maître, après un certain recul, nous assistons à un véritable retour du rôle du notaire au sein des familles et des questions patrimoniales…  Il redevient un acteur incontournable de la famille ? 

Béatrice Codron : Oui, c’est exact. Cela dit, au sein de notre étude, la famille a toujours été au cœur de notre action. Nous accompagnons depuis maintenant cinq générations de nombreuses familles au sein même de l’étude. C’est un peu notre spécificité. Après, pour répondre plus précisément à votre question, il est vrai que l’un des avantages du notaire est d’être nationalement compétent.  Ainsi, lorsque l’on connaît une famille depuis longtemps, elle aime bien avoir affaire à la même personne, à la même étude lorsqu’il y a un investissement en vue. 

Quel est votre rôle auprès des familles ?

Béatrice Codron : Notre rôle premier, c’est un devoir de conseil. Au sein de l’étude, nous sommes deux notaires associés et des notaires salariés, soit une vingtaine de collaborateurs et c’est quelque chose auquel nous tenons tous beaucoup. Ce devoir de conseil est primordial et nous tient particulièrement à cœur. 

Dans une autre vie, notre présidente, Isabelle Larochette, a été clerc de notaire à Bourges et elle a pu remarquer que nous employions souvent le terme de « mon notaire », ce qui en dit long sur la relation qui se tisse avec lui au fil du temps. Pourquoi et comment le notaire peut intervenir à toute étape de la vie d’une personne et d’une famille ?

Béatrice Codron : Les clients nous sollicitent pour tout. Nous avons des mails tous les jours sur des questionnements divers. Au début de sa vie, on va plutôt nous consulter afin de conclure une union libre. Puis, à un moment de sa vie, on se rend compte que l’union libre n’est peut-être plus tout à fait adaptée et nous sommes consultés afin de savoir ce qui est le mieux à faire. Selon les profils et les envies profondes de chacun, nous allons présenter les différentes options (PACS, mariage, testament) et orienter nos clients. 
Et puis, le couple installé, avec des enfants va nous solliciter pour tout ce qui concerne la protection, notamment les testaments et les donations. Ces questions reviennent d’ailleurs plusieurs fois par jour à l’étude, preuve de l’inquiétude manifeste des français et de leur envie de protéger leurs proches.

Vous constatez une inquiétude, comment l’expliquez-vous ?

Béatrice Codron : Aujourd’hui, nous ressentons un vrai sentiment de crainte, de peur et cela se traduit par le souhait de transmettre. Mais la taxation sur ces sujets est parfois très élevée et cela inquiète un grand nombre de français.  Bien sûr, nos clients comprennent que c’est tout à fait normal de payer pour transmettre. Mais nous atteignons tout de même des montants absolument gigantesques aujourd’hui, avec des abattements qui ne sont plus en adéquation avec la valeur actuelle des biens. Augmenter les abattements pour permettre de léguer plus et mieux à nos enfants me semble une bonne chose. 

Au centre de tout cela, la maison de famille… 

Béatrice Codron : Oui, effectivement, c’est juste. Comment puis-je transmettre mon bien à mes enfants ? Comment préserver, transmettre un bien familial ? Ces questions reviennent fréquemment parce que la notion de foyer familial est très importante en France. Ce sont nos racines Latines. Nous allons pouvoir retrouver plusieurs générations dans une même maison dite « de famille » aménagée et adaptée à la vie de plusieurs générations, comme cela existe en Italie, en Espagne ou Portugal par exemple. Les grands parents habitent au rez-de-chaussée, les enfants et petits-enfants au-dessus… les gens y sont extrêmement attachés. N’oublions pas que nous sommes des Latins et que la famille garde une place toute particulière dans nos mentalités.

En définitive, en intervenant à chaque étape de la vie d’une famille, vous êtes un peu les gardiens du temple…

Béatrice Codron : J’insiste, nos clients ne nous consultent pas pour avoir plus mais pour pouvoir conserver, être au maximum chez soi. Et puis effectivement, en prenant de l’âge, la retraite approchant, on se pose de nouvelles questions. L’étude est à nouveau sollicitée pour toutes ces notions de protection future, de procuration générale. « J’ai toute confiance en mes enfants et je veux qu’ils puissent m’aider ? Comment puis-je faire ? », « Je fais un AVC, quels pouvoirs de décision ont mes enfants en matière médicale ? », « S’il m’arrive quelque chose, qu’est-ce que je fais pour faciliter la vie de mes enfants ? », ces interrogations sont légitimes et nous sommes là pour y répondre.

Ce rôle de conseil est la mission première du notaire en réalité…

Béatrice Codron : Absolument. Régulièrement, les clients nous demandent combien ils nous doivent à l’issue d’une consultation. Au sein de l’étude, comme dans d’autres études, le conseil est gratuit. C’est notre politique parce que l’essence même de notre métier est justement ce devoir de conseil. Chez nous la bienveillance et l’empathie sont des piliers qui contribuent à la relation que nous tissons avec nos clients.

Constatez-vous  – comme nous, professionnels de l’immobilier – une tendance au changement de vie ? Ce désir de changer de priorités, d’embrasser un nouveau chemin …

Béatrice Codron : Énormément ! Nous avons la chance, en étant dans la vallée de Chevreuse, de bénéficier d’un cadre de vie magnifique, d’une région dynamique et très verte. Au sein de l’étude nous avons clairement constaté une migration de Paris vers notre région mais également une migration de notre région vers la province. Tous les jours, nous régularisons des changements de vie, c’est-à-dire des ventes et des achats d’une destination à une autre et ce partout sur le territoire.

Quelles sont les régions qui attirent le plus vos clients ? 

Béatrice Codron : Il ne s’agit pas forcément de régions traditionnellement touristiques. Beaucoup vont vers la Corrèze, la Creuse, la Normandie et la Bretagne bien sûr, mais plutôt dans les terres… D’ailleurs, je tire mon chapeau à celles et ceux qui s’engagent dans un changement de vie. Cela demande un certain courage parce qu’effectivement cela bouleverse le quotidien. Ne serait-ce qu’économiquement, ils auront une situation évidemment différente. Certaines personnes sont prêtes à sacrifier un salaire pour gagner en qualité de vie. On assiste également à des migrations familiales de plusieurs générations. J’ai l’exemple en tête d’une famille, enfants et parents, qui ont migré dans le même village, dans deux maisons différentes pour mieux vivre et rester proches en respectant l’intimité de chacun. 

Merci Maître Codron pour ce témoignage qui corrobore ce que nous constatons au quotidien. Pour conclure notre entretien, vous n’échapperez pas à notre question fétiche : quelle est votre définition de l’art de vivre ?

Béatrice Codron : Je fais beaucoup de Reiki*. C’est un grand défi pour moi. Alors si j’avais une définition de l’art de vivre ce serait se sentir bien au niveau personnel que professionnel. La famille doit être très présente ainsi que le respect des autres, la bienveillance et l’empathie.

*le Reiki est une méthode de soin japonaise qui consiste à équilibrer les énergies intérieures d’un patient à l’aide de ses mains.

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