L’huître reine des fêtes, rencontre avec l’ostréiculteur Hubert Ducout
À côté des incontournables de nos repas de fête, foies gras, saumons fumés, chapons, dindes et autres langoustes nous retrouvons bien souvent : l’huître ! Par bourriches, elles sont englouties chaque année. Mais pour que le miracle opère il faut bien que des hommes et des femmes travaillent à sa production. Alors pour les fêtes, nous sommes allés à la rencontre d’un ostréiculteur passionné. Originaire du Cap Ferret, Hubert Ducout aurait tout d’un personnage des Travailleurs de la Mer de Hugo s’il n’avait l’accent du sud-ouest. Le parler sec et tranchant, l’humilité de ceux qui travaillent au contact de la nature et en connaisse la rudesse, l’épaisseur d’une vie de travail…
L’ostréiculture est-elle une tradition familiale chez vous ?
Hubert Ducout, ostréiculteur : Ah non pas du tout ! Mon arrière-grand-père est arrivé au Cap Ferret à une époque où il n’y avait pas beaucoup de familles dans le coin. Il était pêcheur, croque-mort, boulanger… il faisait tout quoi !
Et comment vous en êtes arrivé aux huîtres ?
Hubert Ducout : J’ai d’abord commencé par la pêche. J’ai fait une école maritime à Ciboure. Mais j’ai débuté dans l’activité à une période compliquée. Dans le même temps, j’ai rencontré ma femme donc partir 15 jours en mer était encore plus compliqué ! Au bout de huit ans, j’ai décidé de changer de vie, de repartir à l’école et de me mettre à l’ostréiculture.
Comment ça se passe pour acquérir une concession maritime ?
HD : Soit les affaires maritimes vous attribuent le parc de père en fils, soit on fait comme moi et on achète une entreprise qui possède des concessions maritimes. Bien sûr dans les deux cas, on verse un loyer d’exploitation à l’Etat.
Où se situe votre parc ?
HD : En fait, les concessions maritimes ne se situent pas toutes dans la même zone. Elles sont dispersées. On peut en avoir sur le Banc d’Arguin, autour de l’île aux Oiseaux, au Cap Ferret…
Quelle est la saisonnalité de votre activité ?
HD : Cela dépend de notre vente en réalité. Mais bien sûr, il y a une grosse période de 15 jours autour des fêtes. On vient de commencer à mettre des huîtres de côté mais je n’ai pas forcément une grosse production pour Noël. Après, il y a des ostréiculteurs qui se préparent déjà depuis 2-3 mois.
Est-ce que vous avez une journée type ?
HD : Pas vraiment non. Nous sommes tributaires de la météo, des coefficients et des heures des marées, de la charge de travail que demande la saison…
On peut déguster vos huîtres près du Cap Ferret, dans le village du Four et vous avez également ouvert une boutique à Bordeaux…
HD : Effectivement, on accueille le public dans notre cabanon « Les pieds dans l’eau » au Four pour déguster nos huîtres d’avril à début octobre. Et puis, j’avais envie d’ouvrir un magasin en-dehors du domaine public maritime. C’est chose faite, vous pouvez nous retrouver à « La Cabane 191 », rue Fondaudège à Bordeaux.
Pourquoi un magasin à Bordeaux ?
HD : La première raison c’est parce que lorsque vous « possédez » un cabanon vous ne le possédez pas vraiment. Il dépend du domaine public maritime et donc on peut vous retirer l’autorisation de vendre des bulots et des crevettes en complément des huîtres. Or sans cela, on aurait du mal à faire tourner la boutique. Donc je voulais être propriétaire des murs. Et puis l’autre raison c’est que je voulais faire goûter mes huîtres parce qu’elles sont les meilleures ! (rires)
Et vous faites les marchés ?
HD : Non, me poser tous les dimanches derrière un stand à attendre le client, ça ne m’intéresse pas. Je ne suis pas très avenant et commerçant. (rires) En revanche, j’aime bien que les gens viennent me chercher des huîtres directement à la cabane. Ça valorise bien mieux le produit.
Petite particularité, vous avez choisi de mutualiser vos moyens de production avec d’autres ostréiculteurs. Pourquoi ?
HD : En fait, on a la chance d’être deux ostréiculteurs sur le village du Four. On se connaît depuis longtemps. On travaillait chacun dans son coin depuis 2009 mais on s’est dit que ce serait peut-être judicieux de travailler un peu ensemble sans pour autant s’associer. Désormais, on travaille tous les jours ensemble. On a mis en commun certains outils comme un manitou pour décharger nos bateaux, bouilloires, cribles… Et cette année, on a également mutualisé un ouvrier qu’on avait embauché. Bref, on limite certains coûts, on répartit certains frais et c’est plus simple pour tout le monde.
Quel est votre regard sur le métier d’ostréiculteur aujourd’hui ?
HD : Pour être très franc, aujourd’hui j’ai un garçon de 17 ans qui veut faire de l’ostréiculture avec son père. J’en suis très heureux mais en même temps j’ai très peur quand même. On a tout affronté, on a très bien travaillé et pourtant on a de moins en moins d’argent à la fin de l’année. On a moins d’huîtres et le peu que l’on a meurt. Donc je suis quand même assez inquiet de la situation… C’est un peu préoccupant quand même.
Vous déconseillez à votre fils de se lancer dans le métier ?
HD : Je ne déconseille rien à personne. Si on aime ce qu’on fait, il faut essayer de continuer à le faire !
Le changement climatique vous perturbe ?
HD : Personnellement non. Mais je n’en sais rien. Je ne sais pas si à notre niveau cela joue vraiment. Je ne sais pas comment expliquer cela mais il y a des cycles. Aujourd’hui, il y a des animaux marins que l’on n’a jamais vus, des choses qui que l’on n’a jamais vues qui attaquent les huîtres.
Des effets du dérèglement ?
HD : Je ne crois pas non. Je suis assez terre à terre et je pense que ce sont des cycles. Ce n’est ni la première ni la dernière fois que des huîtres meurent sans explication. Par exemple, dans la période 2007-2010, on a connu une forte mortalité des huîtres triploïdes. (Ces huîtres stériles non laiteuses que vous mangez l’été.) Donc selon moi, on se cherche des explications alors qu’il n’y a pas lieu de le faire. On travaille au contact de la nature et parfois elle nous remet dans le droit chemin…
Combien de temps faut-il pour produire une huître ?
HD : Pour que l’huître soit marchande il faut trois ans. C’est un temps long et il faut passer par les trois cycles : petite, moyenne, grosse. Tous les ans on pose des collecteurs sur lesquels vont se coller les larves d’huîtres issues de la laitance qu’elles perdent durant l’été. Ce n’est pas nous qui décidons du nombre de naissains (larves des huîtres) que l’on va avoir mais bien la nature.
C’est quoi la meilleure huître selon vous ?
HD : C’est la mienne ! (rires) Non, plus franchement, il n’y a pas de meilleure huître qu’une autre. Tout dépend de la manière dont on les travaille.
Comment vous préconisez de les consommer ?
HD : Faites-vous plaisir. Moi je les préfère non laiteuses et natures. J’en mange deux ou trois tous les jours mais il peut m’arriver d’en manger avec un peu de citron. Vinaigre et échalote, je ne le conseille pas, ça casse le goût de l’huître. En revanche, avec du poivre c’est pas mal aussi. Il y a du poivre à huître qui existe.
Une version des huîtres chaudes à partager ?
HD : Moi je les aime le plus simplement possible. Beurre d’escargot et gruyère au four. Dès que le gruyère fond et qu’il dore un peu, on sort du four et on mange !
Vous vivez au contact de la nature, au bord de l’eau. On sent que vous avez un rapport particulier à votre environnement. Quelle est votre définition de l’« art de vivre » ?
HD : C’est ce que je fais…
Hubert Ducout, ostréiculteur
Adresses
La Cabane 13 – Le Four, Cap-Ferret Ouverture d’avril à octobre
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Tél : 05 56 60 76 59
La Cabane 191 – 191 rue Fondaudège, Bordeaux
Tél : 07 68 48 97 03